Verdict dans le procès de l’assassinat du Père Jacques Hamel : déclaration de Mgr DOMINIQUE LEBRUN, archevêque de Rouen

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« Le choix du bon larron »

Le verdict est tombé. La famille du Père JACQUES HAMEL, GUY et JANINE COPONET et leurs enfants, les Sœurs et la communauté de la paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray, les prêtres et les fidèles de l’Église catholique le recueillent comme une étape sur le chemin de la vérité. Je pense à leur douleur encore vive, à leur deuil encore présent, mais aussi à leur vie plus forte que la mort. Je les remercie d’avoir choisi la vie et le contraire de la haine, c’est-à-dire le pardon ou l’espérance du pardon.

Je pense aussi aux quatre personnes aujourd’hui condamnées, surtout les trois dont j’ai croisé le regard de manière de plus en plus franche. Merci à l’institution judiciaire de s’être mise au service de la vérité, au fond à leur service, à notre service. Une audience de Cour d’assises est tissée par la succession de questions. Je la quitte après plus de trois semaines avec une grande espérance et, encore, quelques questions.

JÉSUS accusé, arrêté, était dans mon cœur. JÉSUS crucifié donne à l’humanité sa véritable dignité. À côté de JÉSUS, il y a le bon Larron qui dira : « Pour nous, c’est juste … mais, lui, il n’a rien fait de mal ». Il y aussi l’autre larron enfermé dans le mal. Nous savons que le premier est entré en paradis. Il a accueilli la miséricorde, il change de chemin. Pour l’autre, nous ne savons pas. De quel côté se trouvent ceux qui sont aujourd’hui condamnés ? Nous avons entendu qu’ils choisissent le chemin du bon Larron. C’est ma prière, mon espérance nourrie par leurs paroles fortes, inattendues. La question de savoir ce que vont devenir YASSINE, FARID et STEVEN est la question la plus importante.
Ils savent qu’ils doivent passer aux actes après la parole.
Le silence va suivre le verdict. Il me faudra digérer ce que j’ai entendu, le méditer.
Le Mal est terrifiant. Pervertir la relation à Dieu au point de tuer en son nom m’a ébranlé et interrogé profondément. Suis-je certain que ma communauté et moi-même sommes fidèles à notre Dieu d’amour, de justice et de paix ? Cette question est ma mission. Saurais-je me mettre suffisamment en silence pour ne pas me bercer d’illusion ? Je m’y engage de manière renouvelée. J’imagine et j’espère que la communauté musulmane et ses autorités s’interrogent aussi sur cette question.

Pendant trois semaines, nous sommes descendus aux enfers. La violence, le mensonge, la lâcheté, la perversion de la foi, la misère morale, la faillite de notre société ont rempli ces semaines. Mais tout cela n’a pas de prise sur la foi véridique qui construit la fraternité, cela n’a pas de prise sur l’amour choisi par grâce et non par mérite, cela n’aura pas raison de l’exemple et du martyre du Père JACQUES HAMEL qui indiquent le chemin de la vraie vie.

Alors, quand et comment notre société quittera-t-elle ses illusions pour choisir, elle aussi, la vraie vie ? Quand et comment notre société refusera-t-elle de faire d’une pseudo-réussite économique, qui cache des pauvretés abyssales ou les engendre, ce qui éduque, ce qui fait grandir la paix, ce qui nourrit le cœur de l’homme ? YASSINE, FARID, STEVEN, et tant d’autres, ont besoin pour choisir la vie d’autres choses, ont besoin de ce que GUY COPONET, sa famille, celle du Père JACQUES HAMEL ont donné. La justice est rendue. Elle a discerné le bien du mal autant que possible, elle a jugé et a dû condamner pour le bien de la société, pour celui des hommes présents dans le box.

Reste présente à ma foi la justice de Dieu. Elle discerne à coup sûr le bien du mal et, surtout, elle poursuit le cœur de l’homme jusqu’à ce qu’il revienne au bien, jusqu’à ce qu’il revienne à sa source d’amour, jusqu’à ce qu’il revienne à Lui, Dieu, vrai Dieu, le miséricordieux.

Paris, le 9 mars 2022.
DOMINIQUE LEBRUN
Archevêque de Rouen

> Source.


Le lundi 14 février s’est ouvert devant la Cour d’assises spéciale de Paris le procès des personnes accusées d’être impliquées dans l’attentat contre le Père Jacques Hamel.

La mort du Père Jacques Hamel le 26 juillet 2016 – assassiné par deux jeunes terroristes qui se réclamaient de Daech – a bouleversé croyants et non-croyants dans toute la France et bien au-delà de nos frontières. Ce prêtre âgé, toujours au service, proche des plus humbles et des plus fragiles, était assassiné au cœur de la messe qu’il célébrait, parce qu’il était prêtre, parce qu’il était chrétien.

Ce procès qui va durer près d’un mois ravive des souvenirs douloureux, et sera éprouvant pour beaucoup. La Conférence des évêques de France souhaite témoigner aux proches du Père Jacques Hamel, aux personnes prises en otage ce jour-là, aux paroissiens de Saint-Etienne du Rouvray, mais aussi aux fidèles laïcs et aux prêtres du diocèse de Rouen, ainsi qu’à leur archevêque, Mgr Dominique Lebrun, sa profonde affection et sa prière. Nous pensons aussi à toutes les victimes du terrorisme – nous n’oublions pas en particulier Simone, Nadine et Vincent, les victimes de l’attentat de la Basilique de Nice – en France et dans le monde et à leurs proches. A tous, la Conférence des évêques de France tient à redire sa compassion et sa communion.

Nous avons confiance dans l’institution judiciaire : il faut que la justice soit rendue et la vérité connue. Il le faut pour la famille du Père Jacques Hamel, il le faut pour ceux qui ont vécu ces heures tragiques. Il le faut aussi pour les accusés et leurs proches. La vérité permettra la justice. La vérité et la justice sont nécessaires à chacun pour avancer, que ce soit pour les personnes victimes comme pour les accusés.

La mort du Père Hamel reste une grande souffrance pour beaucoup. Mais sa vie et son martyre portent du fruit. Le Père Jacques Hamel demeurera pour les prêtres de France un bel exemple de vie sacerdotale donnée. Il restera pour les chrétiens le témoin d’une charité offerte à tous, un serviteur humble et généreux jusqu’au bout. Sa vie et sa mort résonnent pour notre pays comme un appel à la fidélité et à la fraternité, pour que le mal n’ait pas le dernier mot.

Père Hugues de Woillemont
Secrétaire Général de la Conférence des évêques de France
Porte-Parole des Évêques