Homélie de Mgr Nicolas Brouwet pour l’Epiphanie et l’Ouverture du Jubilé 2025

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Contributeur : Service diocésain de la communication | Homélie de Mgr Nicolas Brouwet pour l’Epiphanie et l’Ouverture du Jubilé 2025

Voici l’homélie de Mgr Nicolas Brouwet prononcée le dimanche 05 janvier à la la cathédrale de Nîmes à l’occasion de la fête de l’Epiphanie et de l’ouverture du Jubilé 2025

« Voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? »

Nous célébrons aujourd’hui l’Epiphanie. La « manifestation » du Sauveur à tous les peuples de la terre. Parce que Jésus est venu pour que tous les hommes soient sauvés. « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus par l’annonce de l’Evangile. » (Eph., 2eme lecture). Personne n’est exclu du salut. Tout homme a vocation à connaître le Christ et à confesser qu’il est Seigneur.

1 . Ces mages représentent toute l’humanité appelé au salut. Ils sont la figure de l’homme qui cherche, qui se met en chemin pour trouver. Qui cherche du sens, qui cherche la vérité, qui cherche quoi faire de sa vie. Le cœur qui cherche. Comme il est important de se souvenir que beaucoup de gens cherchent et que, parmi les catéchumènes, beaucoup arrivent au baptême après une longue recherche intérieure. Un peu comme ces mages venus d’Orient qui se sont mis en route et ont fait un long chemin. Pourquoi ? Parce qu’une étoile s’est levée : comme une petite lumière qui les a éclairés, qu’ils ne connaissaient pas, sur laquelle ils ne mettaient aucun nom mais qui les a mis en route, attirés.

  • Je dis cela parce que : ne pensons pas trop vite que les gens qui nous entourent sont bloqués dans leur incroyance, dans leur indifférence à Dieu. Il y a beaucoup de gens qui sont comme ces mages : en recherche. Et si la seule lumière c’est le Christ, nous pouvons être les pauvres signes qui conduisent à lui, qui montrent le chemin. N’ayons pas peur de montrer la lumière.
  • Le Pape François écrit dans son encyclique sur le Sacré-Cœur : « Le Christ te demande, sans négliger la prudence et le respect, de ne pas avoir honte de reconnaître ton amitié pour lui. Il te demande d’oser dire aux autres qu’il est bon pour toi de l’avoir rencontré.» (Dilexit Nos, 211). Voilà ce qui peut guider les mages d’aujourd’hui vers le Sauveur.

2 . Il n’empêche que ces mages de l’Evangile sont des savants et ils scrutent les astres. Pourquoi ? En fait les astres, par leur cycle régulier qui donne à l’homme son calendrier, suggéraient qu’ils étaient capables d’imposer au monde terrestre des rythmes sacrés bien plus déterminants que les évènements du monde, que les décisions des hommes ou les hasards de l’histoire. ll semblait, aux hommes de l’Orient ancien, qu’il y avait, dans le mouvement cyclique des astres, une influence des puissances surnaturelles, sur nos destinées individuelles et collectives.

En les scrutant, en les observant avec attention, en leur rendant un culte, on pouvait anticiper leur influence sur notre vie d’ici-bas et peut-être aussi composer avec ces puissances, en tous cas s’assurer leur faveur. C’est pour cela que les planètes portent justement le nom des divinités : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne…C’est pourquoi aussi cette science de l’observation des planètes étaient aussi mêlée à des pratiques idolâtriques : à la magie, à la divination.

Qu’est-ce que les mages ont vu dans le ciel ? Une hypothèse a été émise au 17° siècle par l’astronome Johannes Kepler disant que les mages ont été mis en route en voyant dans le ciel, entre les années -7 et -6 de notre ère, année de la naissance véritable du Christ, une conjonction des planètes Jupiter et Saturne dans le signe zodiacal du Poissons. A cela se serait ajouté des oracles qui circulaient annonçant que de Judée viendrait le dominateur du monde.

Les mages arrivent donc à Jérusalem guidés par un phénomène astral. Mais, pour aller plus loin, jusqu’à Bethléem, jusqu’au roi qu’ils recherchent, ils ont besoin de lire les Ecritures qui disent : « Et toi, Bethléem …de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » La grandeur, la beauté de la Création nous parlent de Dieu ; comme tous les signes de Dieu dans notre vie. Mais il y a un moment où il faut l’écouter dans sa Parole, lire les Ecritures, parce que c’est là qu’il révèle son Nom, son Etre, son véritable visage, qui il est en vérité.

C’est l’expérience que font les mages. Ils cherchent le roi des Juifs et, guidés par l’étoile puis par les Ecritures, ils découvrent Jésus, Fils de Dieu, dans la fragilité d’un enfant. Ils se prosternent devant lui et lui offrent leurs dons

Voilà leur quête qui aboutit. Mais c’est un renversement. Parce que, ce qu’ils ont cherché avec ardeur dans le ciel et le cycle des astres, ils le trouvent en fait sur la terre, dans la contemplation de ce nouveau-né. Voilà l’humanité libérée de la fatalité du destin, des croyances selon lesquelles notre vie est déjà écrite ou conduite par les astres. Voilà l’humanité rendue à sa liberté, celle des enfants de Dieu. L’humanité qui comprend qu’elle est aimée de Dieu, mais d’un amour de pauvre, d’un amour qui mendie, d’un amour qui rend libre. Nous sommes rendus capables de tracer notre propre chemin, non dans la peur des divinités astrales qui nous gouverneraient mais en répondant « amour pour amour » (Ste Marguerite-Marie) au Dieu vivant qui nous appelle à lui.

C’est pour cela que St Paul écrit aux Colossiens encore marqués par l’angoisse des puissances célestes : « Dieu a dépouillé les Puissances de l’univers ; il les a publiquement données en spectacle et les a traînées dans le cortège triomphal du Christ. » Col 2, 15

C’est pourquoi la consultation des astres, à notre époque, est un véritable retour en arrière, une régression religieuse. C’est ce qu’écrit le CEC 2116 : « Toutes les formes de divination sont à rejeter…La consultation des horoscopes, l’astrologie, la chiromancie (lire dans les lignes de la main), l’interprétation des présages et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une volonté de puissance sur le temps, sur l’histoire et finalement sur les hommes en même temps qu’un désir de se concilier les puissances cachées. Elles sont en contradiction avec l’honneur et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul. »

La véritable étoile, la vraie lumière est révélée à ces mages comme à toute l’humanité païenne : c’est le Christ Seigneur, le Verbe de Dieu qui a pris notre condition humaine, qui est venu partager notre humanité pour nous conduire vers le Père. Non pas en nous guidant d’en-haut, si je puis dire, mais en partant d’en-bas, de notre humanité, de notre condition terrestre, pour nous montrer le chemin, un chemin de disciple.

Il est intéressant que l’Evangile note, à la fin du passage, que les mages repartirent « par un autre chemin. » Ce ne sera plus celui de l’astre céleste mais l’humble chemin de la suite de Jésus dans le quotidien, dans le concret de nos vies. Les mages sont renvoyés à leur vie quotidienne, à leurs activités, mais avec une autre lumière dans le cœur : celle qu’ils ont rencontrée à Bethléem et qui les habite maintenant. C’est leur espérance.

Pélerins d’espérance : c’est justement le thème du Jubilé qui s’ouvre cette année et que le Pape a inauguré dimanche dernier en ouvrant la porte sainte de la cathédrale du Latran à partir de cette expression de St Paul dans la lettre aux Romains : « L’espérance ne déçoit pas ». Rm 5, 5. Pèlerins, nous le sommes comme chacun de ces mages qui ont pris la route. L’espérance chrétienne, qui nous fait avancer, nous mettre en route, ce n’est pas un rêve, de vaines spéculations, un optimisme à bon marché ou une confiance a priori dans le progrès, l’évolution ou la révolution, ou dans notre bonne étoile. L’espérance n’est pas la projection de nos désirs pour l’avenir mais la Résurrection du Seigneur. Notre conviction de départ, c’est que le Christ est ressuscité des morts, qu’il est monté aux cieux avec son humanité, et qu’il a donc introduit notre humanité dans la gloire du Père : nous avons accès au ciel, nous sommes appelés à la vie éternelle, à la vie en plénitude avec Dieu.

L’espérance est donc l’attente de la Résurrection, de la vie éternelle, de contempler la gloire de Dieu, de voir Dieu face à face. L’espérance, c’est l’attente du salut qui nous est donné déjà par le baptême et que nous goûterons en plénitude quand nous serons au ciel. Non pas malgré notre condition humaine, mais avec elle, en nous mettant à la suite de Jésus qui nous a montré le chemin dans sa vie terrestre, en partageant notre existence de la crèche jusqu’à la croix. C’est pourquoi nous avons décoré cette croix : signe de l’Incarnation du Seigneur, signe de sa victoire sur la mort, signe que le ciel nous est ouvert : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » (Jn 12, 32). La croix restera à l’entrée de cette cathédrale tout au long de l’année pour nous souvenir que l’espérance est dans nos cœurs ; elle nous fait lever les yeux vers le ciel et nous fait nous engager aussi sur cette terre pour qu’elle ait déjà le goût du ciel.

Mgr Nicolas Brouwet