Merveilles du Gard : la Sainte Face de Saint-Gilles

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Contributeur : Services | Arts – Cultures

La Sainte Face de Saint-Gilles est de ces merveilles devant lesquelles nous passons sans parfois nous y arrêter. Inspirée par le Linceul de Turin selon Jacques Jaumes, qui signe le premier article de notre nouvelle série, cette Face est pourtant la clef de voûte de l’édifice ainsi qu’une porte d’entrée éclatante sur le Visage de Dieu même. 

La série « Merveilles du Gard » vous propose de partir à la découverte des trésors sacrés et profanes du diocèse.

En nous dirigeant vers le sud-est de Nîmes, nous laissons les Costières et parvenons à un lieu unique, magnifique et magique où la terre rencontre l’eau du fleuve magistral qu’est le Rhône.

Les galets laissent peu à peu leur place à la terre alluviale déposée par le fleuve. Une ambiance se crée où la pierre, la glaise, l’eau et la lumière se fusionnent dans l’athanor de ce lieu et se transmutent en une ville : Saint-Gilles.

Saint-Gilles est mêlée à la Camargue qui remplit le delta du Rhône. Cette agglomération possède un patrimoine naturel et architectural exceptionnel. On y trouve trois sites Natura 2000 : le « petit Rhône », la « petite Camargue » et la « Camargue gardoise fluviolacustre », trois espaces protégés, trois zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique.

En dehors de l’attrait pour la magnificence de la nature, il y a un lieu d’exception qui attire le visiteur. Le patrimoine architectural de Saint-Gilles comprend neuf immeubles protégés au titre des monuments historiques. Au milieu de ces édifices, c’est l’église abbatiale, classée depuis 1840, qui hypnotise le visiteur et l’attire pour le rencontrer. D’où vient ce magnétisme, cette fascination qui, inconditionnellement, « oblige » le visiteur à s’y rendre, à traverser une des plus belles façades de la sculpture romane provençale pour parvenir au cœur de l’édifice : la crypte où reposaient dans un sarcophage de pierre les reliques du célèbre abbé Gilles l’Ermite dont elle garde le tombeau. Ce lieu fut un des plus importants lieux de pèlerinage de la chrétienté sur la via Tolosana vers Saint-Jacques-de-Compostelle à partir du IXe siècle.

Édifiée au XIIe siècle, l’abbatiale de Saint-Gilles était, au Moyen-Âge, le 4e lieu de pèlerinage du monde chrétien après Jérusalem, Rome et Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle était donc un lieu primordial pour la chrétienté de l’époque. Une inscription sur une pierre, située au niveau du contrefort méridional, fait référence à la date de 1116 pour la construction d’une première grande église. Cependant, l’abbatiale « actuelle » aurait vu son édification débuter dans le dernier tiers du XIIe siècle. Cette église d’art roman, probablement jamais achevée, fut construite en réemployant les pierres retaillées d’un édifice roman plus ancien. Le projet de sa conception et de sa symbolique remonte sans doute vers la première moitié de XIIe siècle.

Mais nous pouvons nous questionner : qu’est-ce qui fascine le visiteur et l’oblige à se diriger vers le coeur de l’édifice, la crypte, maintenant que les reliques du saint ont disparu ?

L’abbatiale de Saint-Gilles a été conçue comme un bâtiment qui devait s’élever, rayonner et irradier, et cela autour du Visage du Christ. Visage du Christ qui est la rencontre avec le Dieu trinitaire chrétien : C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. N’écarte pas ton serviteur avec colère, tu restes mon secours (psaume 26).

En effet au cœur de la crypte près de l’endroit où reposait le corps de saint Gilles, sculptée sur une clé de voûte, une pierre placée dans les axes de symétrie de la voûte permet l’harmonie entre les forces qui équilibrent le bâtiment. Il suffit qu’elle soit écartée pour que toute l’architecture qu’elle est censée maintenir s’effondre. La clé de voûte est l’épicentre de la solidité et du bon maintien de la construction.

Sur la clé de voûte de la crypte de l’abbatiale de Saint-Gilles se trouve sculpté le Visage du Christ. Ce visage, cette présence en volume maintient donc l’ensemble du tout et devient le Tout.

Les concepteurs de l’abbatiale l’avaient prévue et ont donc construit leur monument à la Gloire de Dieu en partant de son Visage et de tout ce qu’Il apporte.

Le visiteur empli par sa prière, sa contemplation et le sublime qu’elles lui apportent, lui faisant tutoyer Dieu est subjugué par ces traits d’incarnation, que la kénose de la très Sainte Trinité a permis. Le visage du Christ semble nous demander de le rejoindre et de l’aimer autant, si nous le pouvons, qu’Il nous aime.

En restant figé et baigné du sentiment d’empathie que seul Dieu sait faire naître pour nous et pour que nous puissions mieux vivre, nous pouvons constater avec émerveillement que la Sainte Face de Saint-Gilles, sculptée sur et dans la pierre la plus importante de l’abbatiale, a en fait été réalisée et sculptée suivant la physionomie si particulière et unique du Visage de l’Homme du Linceul de Turin.

Les concepteurs, les créateurs, les réalisateurs du monument de Saint-Gilles connaissaient donc le Saint Linge et le Visage qu’Il supporte et qui est actuellement conservé à Turin, bien avant la date que la technologie moderne de datation par le Carbone 14 a prétendu fixer entre 1260 et 1390.
Le visage du Christ avec la Sainte Face de Saint-Gilles nous révèle que le Linceul de Turin est donc bien le Linge sépulcral et sacré du Christ rédempteur, qui par sa Résurrection ne nous laisse plus jamais seuls, nous libérant de l’envahissement par nos peurs et nos angoisses.

Il faut donc aller le rencontrer, le contempler et l’atteindre, car il est présent pour nous sans bruit, figé depuis plus de huit siècles dans l’intimité de la pierre du lieu sacré où Il nous attend, toujours présent pour nous recevoir et nous consoler par la beauté de son visage, par le sublime de sa Sainte Face.

La phrase de Simone Weil tirée de son livre, Attente de Dieu (Fayard, 1996, p. 86 et 112), prend ici tout son sens : « La beauté du monde, c’est le sourire de tendresse du Christ pour nous à travers la matière. Il est réellement présent dans la beauté universelle. L’amour de cette beauté procède de Dieu descendu dans notre âme et va vers Dieu présent dans l’univers. »

Docteur Jacques JAUME

 

 



 

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